Page:Renard - L’Homme truqué, suivi du Château hanté… - Crès, 1921.djvu/140

Cette page n’a pas encore été corrigée
136
L’HOMME TRUQUÉ

rable me saisissait. Malgré toutes les preuves de tendresse que Fanny me prodiguait à la dérobée, je nourrissais les sourdes angoisses de la jalousie. Je me prenais à redouter la beauté diaphane de Jean, sa jeunesse touchante, la délicatesse nuancée de son âme sensible, l’attrait tout-puissant de la pitié, la contagion de l’amour et jusqu’à cette ardeur qui est le propre des phtisiques. Les savoir ensemble m’exaspérait ; mais, par ailleurs, je répugnais maintenant à me mettre en tiers dans leurs entretiens. Car la vue des jeunes gens côte à côte m’irritait comme un sarcasme, et, bien que je possède à l’ordinaire le gouvernement de mes attitudes, bien que mon visage ait coutume de m’obéir, je craignais que Jean Lebris ne s’aperçût de mon trouble, lui qui voyait les émotions embraser nos nerfs comme chacun les voit embraser nos fronts. — Enfin, je supportais mal que ma fiancée fût exposée aux indiscrétions des yeux scientifiques.

Il s’ensuivit que je multipliai les occasions de me trouver seul à seule avec Fanny, et que j’entraînai Jean Lebris dans une suite précipitée d’expériences qui l’obli-