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MARIETTE


goûter de quatre heures. Une voisine leur avait offert un fromage blanc tout entier. Mais elles trouvèrent d’abord un cheveu dedans, et puis elles en trouvèrent un autre.

— Un cheveu ne me fait pas peur, dit Mariette, mais deux, tout de même !

Elle est jolie, rose, avec de longs cils, une bouche menue, des dents blanches, des mains un peu rouges, mais il faut bien qu’elle travaille.

Elle gagnait sa vie à douze ans. Elle a débuté dans une ferme et elle tirait, seule, six vaches par jour. Il y a cinq ans qu’elle est en place, chez l’un, chez l’autre, et elle possède en tout vingt-cinq francs à la caisse d’épargne. II y avait à peine deux mois qu’elle était en place que sa mère prenait l’habitude de lui écrire : " Envoie-moi cinquante francs. "

Une fois, elle adresse à ses parents, pour leurs étrennes, du café, une lampe et trente francs.

Un mois après, ils lui écrivent :

— Nous avons reçu la lampe.

Inquiète des trente francs, elle en demande des nouvelles ; il lui est répondu au bout d’un mois :

— Oui, nous avons aussi les trente francs.

Elle n’avait pas dû envoyer assez.

Dans ces diverses places, elle ne s’est encore, à son âge, senti de l’amitié que pour ses assiettes.