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MARIETTE


Dès qu’ils avaient l’âge scolaire, ils allaient à l’école, à trois kilomètres. Ils emportaient le déjeuner froid, un œuf pour deux, même le jeudi et le dimanche, car le jeudi on faisait catéchisme toute la journée et, le dimanche, M. le curé voulait voir les enfants à la messe et aux vêpres. De sorte que, toute la semaine, ils déjeunaient froid et l’hiver ils déjeunaient gelé.

Les sabots de la semaine étaient ferrés avec de gros clous, les sabots du dimanche avec de petits clous sur une semelle de peau. Ils faisaient moins de bruit à l’église.

L’hiver, elles partaient avant le jour. Pour s’éclairer, elles enfonçaient une bougie au creux d’un concombre et la bougie qu’elles portaient comme un lampion ne leur coulait pas sur les doigts.

Il leur arrivait souvent malheur. Le plus fréquent, c’était de casser un sabot. Celle qui cassait son sabot ne pouvait plus suivre les autres pour rentrer à la maison. Elle traînait la patte sur la route. On la laissait en arrière. On arrivait avant elle à la maison et on criait :

" — Louise, ou Mariette, ou Mélusine, ou une autre, a cassé son sabot ", et on se précipitait sur la tinette pleine de soupe chaude. Il fallait que la