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L'ÉTRANGÈRE


poupée ; mais on ne peut pas toujours lui laisser cette pomme de terre. Il faut bien finir par la manger ! Puis, jusqu’au panier suivant, on mange une échalote, une tête d’ail sur un bout de pain.

On peut dire que Marguerite vit de temps en temps ; un jour, elle vit parce qu’une voisine lui donne du lard, de l’huile pour sa soupe ; un autre jour, elle vit moins bien ; un autre, elle ne vit pas.

Si un passant lui dit : " Qu’est-ce qu’ils ont à crier comme ça, vos petits, sont-ils malades ? " elle répond, sèche, hautaine : " Ils ont faim ! "

Le samedi, elle se lève à trois heures et repasse, dans sa matinée, du linge de chemineaux qui était d’une saleté si résistante qu’elle seule a bien voulu le laver.

L’aîné de ses petits, âgé de sept ans, vient de dire à Gloriette qu’il s’en irait, comme son papa, dès qu’il pourrait. Il ne veut pas rester dans une maison où il n’y a rien.

— Tu n’as pas honte, lui dit Gloriette, quitter ta mère ?

— Il n’y a rien dans cette maison, répète le petit ; je me sauverai comme papa, et en pas tardant !

Gloriette se fâche et lui fait de la morale, et