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DE PORTE EN PORTE

— Vous faut-il longtemps pour faire un cercueil ?

— Ça dépend du bois qu’on choisit. Le chêne est dur et on ne le travaille pas comme le sapin qui est tendre. Et ça dépend aussi de l’âge du menuisier. Autrefois, je n’avais besoin de personne : aujourd’hui, le charron me donne un coup de main.

— Vous en avez fait, dans votre vie, des cercueils ?

— Ah ! oui, mais je n’aime plus guère ce travail-là.

— Il est ingrat ?

— Au contraire, c’est un travail qui rapporte.

— Il vous fatigue ?

— J’ai une douleur dans l’épaule. Je suis obligé de refuser les commandes. Je ne fais plus que les cercueils des amis, des parents.

— Des cercueils de faveur ?

— A mesure qu’on vieillit, dit le menuisier, c’est un travail qui devient de moins en moins gai. Quand j’étais jeune, je faisais un cercueil comme une table. Je ne pensais à rien !

— Maintenant, à chaque cercueil, vous pensez à la mort ?

— C’est vrai, dit-il.