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ON NE S’OCCUPE PAS ASSEZ DE NOS FRÈRES, LES PAYSANS


Je ne me flatte pas de connaître les paysans. Avec un fonds commun, ils sont si variés ! Les paysans de deux villages voisins ne se ressemblent pas ; un village sans châtelain ou châtelaine, isolé, presque libre, n’a pas le même état moral qu’un village au pied d’un château qui le couvre de son ombre lourde. Et d’abord qu’est-ce qu’un vrai paysan ? L’instituteur et le curé peuvent-ils rester paysans dans l’âme ? Et l’ouvrier qui se déplace, et ce valet de chambre qui revient au pays, avec ses économies, et qui se gonfle, achète des terres, arrondit sa cour devant sa porte afin que " ses chariots puissent tourner ", ceux-là sont-ils toujours des paysans ? Enfin, le paysan devenu riche par une longue série de maigres héritages ne diftère-t-il pas du paysan éternellement pauvre ? Ce dernier me semble le type pur, presque intact,