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L’ŒIL CLAIR


II


— ... Êtes-vous bon ? Êtes-vous méchant ? Je me le demande chaque fois que je sonne à votre porte.

Vous me recevez dans ce fameux cabinet de travail où (pourquoi mentir ?) il ne s’est pas dit que des paroles évangéliques. Ce n’est pas un lieu de justice distributive. On y cause comme on peut, comme ailleurs ; par exemple, comme à la Revue blanche. Oui, qu’une dizaine d’hommes d’esprit s’y rencontrent, et ce cabinet de travail devient très Revue blanche. A quoi bon le nier ? Mais, si j’ai la chance de vous trouver seul, ce feu clair dans la cheminée, votre voix chaude, cette main tendue et cette chevelure caressante sur un col de velours noir, tout me rassure. Aussitôt, avec précipitation, je vous raconte ma vie, mes espoirs, mes détresses, mes affaires de cœur, mes embarras d’argent et mes secrets de famille. Et comme je me suis mal préparé, j’invente. En un quart d’heure, vous touchez le fond d’une âme vidée. Ah ! vous me connaissez assez maintenant pour que je me glorifie d’être votre ami intime. Et c’est admirable de vous voir m’écouter. Que ferez-vous de tant