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L’ŒIL CLAIR

— Elle reste seule.

— Elle ne veut pas qu’il revienne.

— Puisqu’il la battait, Nanette.

— Elle le battait aussi. Elle devait le supporter. On supporte. Le mien buvait quelquefois. Je n’ai jamais rien dit.

— Enfin, Nanette, son mari la laisse. Il part...

— Puisque sa femme le chasse.

— Oh ! le beau prétexte, Nanette ! On ne sait même pas où il est. Il se promène. Il n’envoie jamais un sou, et il laisse crever de faim ses quatre enfants et leur mère... Et vous l’excusez.

— Je ne l’excuse pas. Mais c’est un homme. Il fait ce qu’il veut.

— Et vous accablez la femme.

— Dites ce que vous voudrez de cette femme-là, ce n’est pas du bon.

— C’est une malheureuse.

— C’est une créature.

— Du bon Dieu, comme vous.

Chaque fois que je prononce le nom de Dieu, Nanette me regarde sournoise, défiante de quoi est-ce que je me mêle.

— Oh ! Nanette, vous êtes une brave vieille ; vous n’avez jamais fait de mal à personne. Comment votre cœur peut-il être aussi dur que