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LETTRES À L’AMIE

Elle se dépêche de dire oui, de peur de paraître hésiter.

— Vous êtes sûre de retrouver quelque part votre Pierre.

C’est le nom du mari qu’elle a perdu.

— J’en suis sûre, j’en suis sûre.

— Vous ne serez donc pas heureuse de le revoir ?

— Pourquoi ? dit-elle révoltée.

— Dame ! vous ne faites que penser à lui, vous avez la certitude de le rejoindre, et personne n’a plus peur que vous de mourir. La mort devrait vous être, en idée, presque agréable, puisqu’elle vous réunira, vous et votre Pierre.

— On sait ce qu’on perd, dit Marie impatientée, on ne sait pas...

Il faut, pour ne pas achever, qu’elle se retienne de toutes ses forces.


XIX


Ce soir, au pied d’un chêne qui se meurt, j’ai parlé de justice avec la vieille Nanette.

Elle est venue mettre son avoine en moutons, en javelles si vous préférez. Elle garde son caraco pour ce travail, mais elle a eu soin de le retourner à l’envers. Ainsi le soleil ne brûle pas l’endroit.