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L’ŒIL CLAIR


X


J’ai vu hier soir notre artiste dans sa loge. Cette visite m’impressionne toujours. Il arrivait, il était en civil, comme vous et moi. Il avait une figure naturelle. Il m’a dit bonjour et m’a serré la main comme n’importe quel monsieur l’aurait fait.

Ayant passé un peignoir, il s’est assis à sa table de métamorphoses.

Je le laissais poliment faire ; soudain il se retourne, le visage blanc, comme s’il venait de rendre l’âme, et il me dit quelque chose de sa voix habituelle.

Il se remet au travail et quand de nouveau il me regarde, les pommettes rouges, les lèvres sanglantes, les yeux pleins de flammes, il a une tête de fou.

Sa voix d’ailleurs reste la même.

Ce n’est pas un fou, c’est l’amant.

— Vous permettez que je m’absente, me dit-il.

— Faites donc.

— Le temps de débiter à ces malheureux qui trépignent quelques inepties.

— Allez, mon ami, allez.

Il y va, c’est l’heure où il fait des grâces à toutes