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L’ŒIL CLAIR


le toit d’en face, vous souhaitez seulement que l’homme se dépêche.

Il ne tue pas, il referme la fenêtre.

Il pose la crosse de son fusil par terre, et de ses yeux il regarde les trous des canons, les yeux noirs du fusil.

Cette imprudence vous met mal à votre aise.

Mais voilà qu’il applique au canon même une de ses tempes, qu’il se baisse, et que du doigt il cherche la gâchette.

Il va se tuer. Comme il n’a pas encore dit un mot, vous trouvez que c’est stupide. Vous marchez, mais vous ne marchez pas, si j’ose dire, de bon cœur. Il vous déplaît que ce malheureux ait la prétention de vous émouvoir par ce drame inexpliqué et cette fin si grossièrement tragique.

— Dieu que c’est bête ! On n’a pas le droit, dites vous, de...

C’est bien ce que l’homme a compris. Il ne vous laisse pas achever votre réflexion. Il détache sa tempe collée aux petits trous pleins de mort, il s’avance au bord de la scène, face au public, lève son fusil avec lenteur, et vise tous les spectateurs, l’un après l’autre, en commençant par vous, ma chère amie.

Cette fois, vous ne marchez plus, vous filez,