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L’ŒIL CLAIR

Si ça vous intéresse, je chercherai.


VII


Paul, qui m’aime bien, m’a dit hier : Tout de même, prenez garde, il ne faut pas être poire !

Il me disait cela dans mon intérêt, avec tendresse et pitié !

Il ne sait pas le plaisir que j’ai à être poire, non une poire vulgaire, une poire malgré elle, un imbécile, oh ! non, mais une poire qui se sait poire, volontaire, consciente, une poire de luxe.

Qu’une petite ou une forte dinde, une femme, qu’un homme d’affaires ou un poète d’affaires, qu’un tapeur parisien ou campagnard, que le mendiant qui sonne à ma porte, se disent : celui-là est facile à rouler, et qu’on me roule et que je le sache, c’est mon plaisir de poire.

Non seulement je laisse faire, mais je provoque, car c’est un plaisir rare, personnel, plein de saveur, juteux, dont l’eau vous viendrait à la bouche.

Je vous en prie, quelquefois quand vous pensez à moi, dites : Il est tout de même un peu poire.

L’admirable chose, mon amie, qu’une belle poire bien mûre, gonflée, lourde et qui semble