Page:Renard - L’Œil Clair, 1913.djvu/165

Cette page n’a pas encore été corrigée
161
DIALOGUE DU JOUR

— Je veux d’abord qu’on m’offre la croix, si je la mérite.

— Demandez-la fortement, et envoyez-la chercher à domicile, au ministère, par vos amis.

— Quels amis ?

— Tout le monde.

— Et pour obtenir un fauteuil à l’Académie ?

— Faites trente-neuf visites.

— Avec mes chefs-d’œuvre sous le bras ?

— Oui, pour la forme ; vos œuvres suffiront.

— Mais, si on méprise ou ignore deux douzaines de ces messieurs qu’on va voir ?

— Naturellement, on en ignore ou méprise au moins vingt-quatre.

— Et on les visite tout de même, par lâche hypocrisie ?

— Par simple politesse à la mode.

— Ce n’est donc pas une question de dignité ?

— C’est une question de force.

— Que vous êtes insupportable, avec votre force !

— Puisque le bonheur ne se mesure qu’à la force, et qu’être fort c’est avoir plus de succès que les autres, plus de richesses, plus de célébrité que n’importe qui, et que vivre, c’est dominer, je veux dire présider.

— Présider quoi ?