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CRITIQUES

— Ça soulage ?

— Ça forme le style et le caractère.

— Excellent résultat !

— Ce n’est pas le seul. De méchantes critiques peuvent, malgré eux par hasard, exercer, comme ils disent, une influence sur l’œuvre. D’abord, on les dédaigne ; on s'efforce de n’y plus penser, on n’y pense plus ; puis elles reviennent. Elles se détachent du critique oublié comme si elles n’étaient pas de lui. C’est le critique qui était inintelligent, non telle critique. Isolée, elle paraît moins injuste ; elle poursuit, elle s’impose. On s’imagine l’avoir trouvée soi-même, et, demain, on en tiendra compte.

— Pourtant, ne jamais répondre, n’est-ce pas une faiblesse ?

— Serait-ce une force de risquer d’être ridicule comme s’il s’agissait d’une affaire d’honneur ?

— Quoi de plus grave pour le véritable homme de lettres qu’une offense littéraire ?

— Quoi de plus digne qu’une réplique au fond d’un tiroir ?

— Est-il plein ? Y a-t-il de quoi faire un volume ?

— Oh ! une petite brochure.

— Qu’il faudra publier. Toujours se taire ! Réfléchissez que le critique vaniteux se gonfle de votre silence.