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LE BALLON ROSE


Tous ses achats terminés, Madame Bornet, dit à son petit Paul, que Monsieur Bornet traînait par la main, sur le parquet glissant :

— Veux-tu un ballon ?

— Oui, dît Paul, d’un ton terne.

— Puisque ça ne coûte rien, achetons-le.

— Prends, dit Monsieur Bornet, autoritaire, le ballon c’est l’avenir !

Ils s’entassèrent tous trois, avec leurs paquets, dans un fiacre couvert. Ils étaient laids, maussades, et ils ne faisaient que se disputer. Ils parlaient toujours comme de vulgaires bourgeois, Monsieur Bornet d’argent, et Madame Bornet d’économies.

Le petit Paul, malingre, déjà indifférent, gêné par les paquets, avait lâché la ficelle du ballon. Et le ballon rose, en haut, à un coin du fiacre, regardait, d’un gros œil peint dilaté par la surprise, cette famille d’adoption.