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LA NEIGE


la neige a beau tomber, ça ne blanchit pas davantage.

— Je suis contente.

— Regarde, ton cœur n’est pas plus pur. La neige, c’est de la pluie qui tombe en pureté. Elle traverse sans une tache, sans plus de bruit qu’un reflet, le miroir du canal. Les arbres ont l’air de candélabres qu’une mousseline préserve des oiseaux. Seule une corneille nage péniblement là-haut, dans la brume. Vois cette petite fumée bleue qui se déroule sur la nappe d’un toit. Les tours du château mettent leur calotte de nuit. Le mieux réussi, c’est le bonnet du clocher : il a un pompon qui se dresse ! Et la croix du village est en bras de chemise. Mais je n’ai pas besoin, Gloriette, de te faire les honneurs de la neige. Regarde-la simplement ! Combien peu sont dignes, comme toi, de la regarder. Combien devraient courir, en désespérés, à travers la campagne, la bouche ouverte aux flocons de la neige, afin de se rafraîchir l’âme !

— Je suis heureuse, dit Gloriette, quel dommage que ce soit un bonheur de riche !

— Tu penses assez, d’un bout de l’année à l’autre, aux misérables, c’est bien ton tour ! Et puis, eux aussi, la neige les amuse un moment.