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UN LEVER DE SOLEIL


vapeur blanche échappée au soleil ; la cheminée du moulin fume, et le château continue de dormir. Une cloche tinte au vent du nord : signe de beau temps.

Volontiers, les paysans se vantent de se lever à l’aurore, et je ne vois que Ragotte qui se fourre au poulailler, mais les chevaux et les bœufs, qui ont passé la nuit au pré, et des moutons que personne ne garde, se remettent déjà à manger.

Une pie et un loriot traversent, deux tourterelles fendent l’air, et un merle que je connais, cherche sans doute, d’une haie à l’autre, son petit sifflet d’un sou. Là-bas, un lapin, qui croyait l’homme à jamais disparu, n’entend rien et s’amuse, et, près de moi, une fleur s’ouvre : elle ouvre lentement, comme une fillette, ses lèvres pures où brille la rosée.

Et c’est tout.

Rien ne s’ajoutera plus au mystère accompli.

On s’intéresse de moins en moins à la renaissance quotidienne des choses, on ne s’obstine que par pudeur, on bâille, on fait à la nature une bouche grande comme ce trou noir où le lapin vient de sauter au bruit de notre pied engourdi frappant le sol, et on va, — que voulez-vous qu’on fasse ? — délicieusement se recoucher.