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L’ŒIL CLAIR

Voici un pauvre lever de soleil que j’ai pris, cette année, de la terrasse de mon jardin.

Sautant du lit à quatre heures, je dis d’abord pour rassurer ma famille inquiète : a C’est une migraine (ou une colique) qui m’empêche de dormir ! " Je ferme la porte (sans cette précaution, le jardinier croirait à un voleur), je me promène dans les allées et je surveille l’horizon. Il n’est pas facile de deviner à quel point exact de l’orient le soleil va paraître. Faute de patience, on a presque toujours le dos tourné quand il se lève. C’est ce qui m’arrive. Ce petit rond d’un rose terne, là, dans la brume, ce doit être lui ; c’est lui ! Je l’ai manqué. D’où sort-il ? On dirait une lune noyée. Il ne faut pas être un aigle pour le fixer. Un homme sans orgueil l’observe à l’aise. Mais peu à peu, ce pâle soleil divise la brume en nuages qui bougent, précisent leurs formes développées et s’écartent. Et il faut que le soleil les ait tous dispersés, et qu’il reste seul, qu’il rayonne et nous aveugle, pour qu’on puisse vraiment dire qu’il s’est levé.

Il se trouve alors au-dessus de l’horizon à la hauteur de nos yeux éblouis et vaincus.

Cependant, la terre s’éveille ; les coqs s’enrouent ; le coq du clocher accroche au passage une