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UN LEVER DE SOLEIL


L’écrivain le plus paresseux assiste, au moins une fois dans sa vie, au lever du soleil ; mais il doit, par scrupule, intituler sa description : Un Lever de Soleil, et non, à la manière des grands auteurs : Le Lever du Soleil.

Le soleil ne se lève pas deux fois sous le même aspect et au même endroit. Autant de soleils, autant d’impressions qui s’effaceraient les unes les autres ! C’est d’ailleurs bien joli d’en voir un par an, et on s’expose à ne pas le contempler du premier coup. Il suffit que le ciel, ce matin-là, reste bouché. Le lendemain, notre ardeur ne sera-t-elle pas diminuée ? Il est possible qu’au troisième jour on renonce à un spectacle qui se dérobe, ou que le soleil finisse par ne plus se lever que dans notre imagination, et que le lecteur ne soit tout de même pas privé de sa page de style.