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SOUVENIR DE NEIGE


mais comme une brave paysanne qui a déjà un fils, et qui ne volerait pas ceux d’une autre ! Elle ne s’adressait pas à nous tous lorsqu’elle répétait :

" Il y a deux heures que je vous attends ! "

A table, nous écoutâmes de nouveau, tout en avalant la bonne soupe chaude, les mêmes histoires de famille racontées par la mère.

La fatigue nous empêchait de rire encore.

Bientôt Eusèbe nous poussa entre deux draps raides comme du carton gelé et s’allongea près de nous, au bord. Il partageait son lit, ou plutôt celui de sa grand’mère qui était justement morte. La chandelle soufflée, mes yeux restèrent longtemps ouverts dans le noir et je crus décidément que nous étions égarés.

Au milieu de la nuit, Eusèbe sentit que je remuais trop et me dit :

— Tu sais, mon vieux, si tu as envie, il faut sortir dehors, c’est l’habitude ! Nous ne sommes pas à la pension où chacun a son pot. Chez nous, il n’y a point de pot !

Dehors, par cette nuit lugubre !... Je me rendormis ferme jusqu’au matin.

La diligence nous recueillit à son passage. M. Métour nous conseilla de ne rien craindre, mais nous étions troublés. Mon frère ne faisait