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SOUVENIR DE NEIGE


remit à rouler et nous n’eûmes qu’à suivre derrière, les mains dans les poches. En haut de la côte, Eusèbe s’écria :

— Qu’est-ce que ces quatre bêtes noires qui viennent de passer sur la route, là devant nous ?

— Des sangliers, dit M. Métour.

— Ils ne sont méchants, dit mon frère, que si on les attaque.

Ce n’était pas notre intention.

Il nous parut tout de même agréable de rentrer dans la berline, pour redescendre, d’ailleurs, à chaque côte. La neige continuait de tomber. Elle s’installait doucement, sur le sol, comme le linge blanc dans les armoires. Nous traversions, presque sans bruit, des villages en sucre qui dormaient tassés, bas comme des taupinières. La route devenait invisible et nous aurions pu les écraser. Le voyage s’allongeait, interminable, et nous avions déjà fait plusieurs sommes, quand M. Métour nous secoua :

— Nous arrivons, dit-il.

Qui, nous ? Me frottant les yeux, je reconnaissais la maison d’ Eusèbe couverte d’une housse neuve. Mais il y avait entre cette maison et la nôtre au moins douze kilomètres.

— Les chevaux n’en peuvent plus, dit