par une nourriture plus soignée que celle du
lycée, qui multipliait les promenades agréables
pour tous, et ne craignait pas d’offrir aux grands
quelques heures de liberté en ville) ; M. le directeur
nous amène le nouveau pion à l’étude du
soir, D’ordinaire il présente les pions par un petit
discours inintelligible que les élèves écoutent
debout. Cette fois, nous n’avons pas même le
temps de nous dresser. Il l’installe, sans cérémonie,
sans le nommer, à sa chaire, le salue et se retire
comme s’il n’était pas fier de sa trouvaille.
Qu’est-ce encore que celle-là ?
Nous en avons vu passer bien d’autres, des pions, à la boîte : elle semble le dernier refuge de ceux qu’on a chassés de partout. Où peuvent-ils aller, quand la nôtre les rejette ?
L’arrivée du dernier venu est toujours une distraction, mais celui-là impressionne. Il est jeune, de grande taille, large d’épaules, et il a des mains blanches. Il les frotte devant sa figure, soit pour les montrer, soit qu’il se cache et nous regarde derrière ses mains, avec ses lunettes. Nous observons en détail ses fortes mâchoires, ses lèvres rasées, ses joues bleues d’une barbe qui repousse, un front carré et net sous une chevelure noire rejetée en arrière. Ce pion doit être terrible quand