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L’ŒIL CLAIR

" La dernière fois qu’on s’est battu, c’était à l’étude du soir. Nous avions comme tampon, sur notre banc, le petit Alexandre. C’est notre ami commun, plus jeune. Il n’a pas d’importance, si ça va bien entre Brûlebois et moi, mais aux heures de brouille, il devient indispensable et nous sert de confident. Il avait déjà reçu, la semaine dernière, en pleine figure, un verre de vin que je lançais à la tête de Brûlebois, ce qui lui valut l’honneur d’être épongé fraternellement par nos deux serviettes.

" Ce soir-là, à propos d’un dictionnaire que je ne voulais pas prêter, Brûlebois, furieux parce que le dictionnaire lui appartenait, me flanqua une calotte. La bataille commença. Nous étions debout, appuyés au petit Alexandre qui cachait sa tête sous son bras, recevait les coups mal dirigés, les plus nombreux, et criait de temps en temps : " Holà ! holà ! " Le pion nous regardait, intéressé ; il se disait : " Quand ils auront fini, ils s’arrêteront. " Les élèves ayant exécuté un demi-tour sur leur derrière, porte-plume à l’oreille ou à la bouche, s’amusaient comme au spectacle gratuit.

" Personne, monsieur, n’essayait de nous séparer, et nous serions tombés de fatigue sur le dos d’Alexandre, si le Principal n’avait enfin paru.