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LA VISITE AU POÈTE


il restera là, sur les carreaux rouges, pendant toute notre causerie.

Plus d’une fois je l’enjamberai pour aller à la bibliothèque.

Le poète s’est assis sur une chaise, loin des quatre murs, loin du panier, loin de moi.

— Tout va bien, lui dis-je, la santé, les travaux, les affaires ?

— Oui, dit le poète. L’année dernière, des pertes de bétail ont failli me dégoûter de l’agriculture ; mais cette année, j’ai plus de chance, je me trouve à la tête de bêtes à cornes conséquentes.

— Vous avez du monde pour vous aider ?

— J’ai ma femme.

— Pas de domestique ?

— Non. J’avais un petit gamin ; mais il passait son temps à jeter des pierres sur la voie ferrée. On m’a menacé d’un procès. Je me suis débarrassé du gamin.

— Et la poésie ?

— Oh ! la poésie, ça va moins fort l’été que l’hiver, quoique les travaux des champs ne m’empêchent pas de porter toujours mon calepin sur moi. Si une inspiration me vient, que je laboure, que je sème ou que je fauche, je ne la laisse pas perdre. L’hiver, ça va mieux.