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un hexamètre. Plutôt, la mer m’hypnotiserait, m’abrutirait doucement. Elle moutonne à peine. Ses petits flots grimacent. En ce moment, elle ne me donnerait pas quinze lignes de copie. Aussi je m’y prends mal. Regarde-t-on la mer par un œil-de-bœuf ?

La maison appuie son flanc gauche à une énorme butte cubique qui la protège, elle et son jardin, contre les vents et les vagues. Je monte sur la butte. Elle est tout entière plantée de pommes de terre, dont les feuilles, j’en suis sûr, me feront songer, quand la nuit viendra, à quelque peuple de lapins qui broutent et remuent les oreilles.

Devant la mer, mon embarras recommence. Ma langue ne rend qu’un clappement sec. La mer lèche les rochers, bave, crache dessus : c’est entendu. Ils apparaissent comme des tritons, des titans foudroyés, des animaux préhistoriques, des moutons : parfait ! Le flot et la pierre se collettent — bravo ! — se cramponnent, écument et grondent — tout va bien ! — Mais j’ai vu ça partout, et je demande une sensation qui me soit propre. La Grande Bleue me désespère, car je ne peux lui offrir une image