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les os de son amant ; qu’elle caresse le pied du fort, se coule derrière la digue, et étende sur ce vilain fond noir sa langue d’animal monstrueux, aplatie et miroitante ! »

Je jouis de ma métaphore rococo. Madame Vernet tend l’oreille, ondule son cou un peu gras et remue les lèvres comme si elle suçait des paroles. Déjà je redoute la mer, la merveille de ce monde qui a causé le plus de délires. De nouveau le petit train nous vanne sur les banquettes, entre des rails trop larges qui n’ont pas été faits à sa mesure. Il sent Talléhou, salue du sifflet les gens qu’il dépasse et communique sa gaîté aux voyageurs.

Madame Vernet se prépare. Son âme retombe au milieu des ombrelles, des cannes, des manteaux de voyage, des paquets dont les ficelles « toujours utiles » seront conservées avec soin.

Elle se regarde dans une glace de poche :

— « Je suis affreuse ! » dit-elle.

Les larmes, ces douces larmes qu’elle versait à la vue de la mer, se sont traînées comme des