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siffle aussi ; la locomotive siffle à son tour, et le petit train familier s’ébranle.

Madame Vernet s’attendrit.

Nous sommes d’ailleurs en pleine Normandie. Un souffle arrive de la mer. Je trouve l’air salé. D’après Madame Vernet, dont le nez aux ailes minces voltige, il est chargé d’odeur de varech. Sous les pommiers, les courtes vaches regardent passer ce long animal noir qui s’en va et revient tous les jours aux mêmes heures, et qu’on ne laisse jamais au vert. Une bue met au milieu d’un pré le rayonnement de son abdomen d’or. Je sens tout près de moi mon ennemie habituelle qui me guette : la tristesse sans cause. Madame Vernet, la tête presque hors de la portière, sourit à une garde-barrière coiffée d’un chapeau de cuir qui tend, avec gravité, du bras droit son petit fanion roulé et du gauche un enfant.

HENRI

Qu’est-ce que vous avez, chère Madame ? Si, vous avez quelque chose, dites-le-moi.

Madame Vernet, les yeux humides, pique