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niers de poisson. Il s’arrête quand il veut, quand les voyageurs lui font signe. L’administration a jugé inutile de tendre des fils de fer de chaque côté de la voie. Aux passages à niveau, point de barrière. Le train donne aux rares voitures le temps nécessaire, regarde prudemment à droite et à gauche, siffle longuement, comme pour demander s’il n’y a plus personne, et repart.

— « Il n’est pas méchant ! dit l’employé, qui va de portière en portière, non pour contrôler les billets, mais pour faire la causette avec les voyageurs, auxquels il offre de se charger des bagages à la descente : il n’a jamais écrasé une mouche ! »

Aux gares il s’amuse, lâche un wagon, en accroche un autre, en tamponne un troisième par mégarde, feint de manœuvrer, et, vite essoufflé, se désaltère à la prise d’eau. Il parcourt une dizaine de lieues dans son après-midi, « sans se gêner ». Le médecin de Talléhou, dont la clientèle est dispersée sur la ligne, fait ses visites à chaque station, entre l’arrivée et le départ. Il saute de wagon, arrache une dent, accouche une femme, et revient, en agitant son chapeau. Le chef de gare siffle ; le chef de train