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mûre en paroles. Madame Vernet sera sage, et dira :

— « Je remercie le hasard, qui me l’avait envoyé et me le reprend. Notre brève aventure se termine bien ; une femme honnête n’en rougirait pas. Je souffrais des nerfs, de la sensibilité : ils se calment… Je connais au fond de moi un coin rafraîchissant où je pourrai me retirer loin de mon mari, quand j’aurai besoin d’être seule. Il faut des souvenirs à une femme qui vieillit. J’en ai fait ces temps-ci provision. J’ai été tentée de me mettre au café, et je vois que je me contenterai d’un canard. »

Ainsi songera Madame Vernet dans une buée de mélancolie. C’est Monsieur Vernet qui me regrettera le plus, à cause de l’argent qu’il m’a prêté.

Comme c’est bon d’avoir la conscience à peu près nette ! Car enfin j’aurais pu mal agir, déchirer jusqu’au cœur ceux que je n’ai qu’égratignés. J’entends alors Monsieur Vernet :

— « Vous êtes l’amant de ma femme et vous êtes l’amant de ma nièce ! »

Je sens sa lourde main sur mon épaule.

Oh ! je me forme petit à petit.