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athlétiques, des courses désordonnées. Elle est un tout petit enfant que je brutalise.

Au début, la douleur la fait crier :

— « Que j’ai mal ! que j’ai mal ! »

J’appuie deux doigts sur sa bouche. Je ne pensais pas qu’elle pût souffrir réellement, et je me rappelais des viols de littérature dont les victimes s’aperçoivent à peine. Quelques-unes disent : « Maman ! » et c’est tout.

Le lit se trouve près de la fenêtre. En levant la tête, je vois le jardin. Monsieur et Madame Vernet sont accoudés à la barrière et font avec le maire des projets d’illuminations.

Marguerite pousse un cri si inattendu que je n’ai pas le temps de le rabattre avec la main, comme on ferme sur un oiseau la porte d’une cage.

— « Tu souffres donc ? »

Elle est pâle à m’épouvanter. Oh ! la résistance de cette chair tendre ! J’ai honte de mon inexpérience, comme un interne qui fait sa première opération sur un corps vivant, avec des outils qui ne coupent pas.

— « Je n’en peux plus ! crie Marguerite. Vous voulez donc me tuer ? »