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Mais elle me tire, m’entraîne, m’éclabousse. Je suffoque, car j’ai l’habitude, au bain, de craindre l’eau comme le feu, de prendre mes précautions avec la vague, de me livrer à elle portion par portion. Je m’y assieds ainsi que dans un fauteuil, en me relevant deux ou trois fois comme si je l’essayais. Quand « j’en ai au ventre », je m’arrête. C’est le passage difficile. J’imite, de la bouche, le bruit d’un pot qui bout. Il me semble qu’on me coupe en deux avec un fil à beurre glacé, ou que je change de chemise dans la rue, au mois de décembre, les bras levés, enfilant des manches de neige.

D’un coup Marguerite a changé ma méthode. Nous barbotons, et je me cramponne à elle pour la soutenir.

— « N’ayez pas peur ! » lui dis-je.

Elle n’a pas besoin d’être rassurée, et, battant l’air à tour de bras, elle fait un tapage de phoque en récréation.

— « Mademoiselle ! permettez ! »

Docile enfin, elle me tourne le dos. Je passe un doigt sous la boucle de sa ceinture, et je promène mon élève sur le flot, en lui donnant des explications.