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enlacée, brutal et muet, trouve que je la soufflette trop tôt en paroles.

— « Ne me tutoyez pas ! » dit elle.

Elle fixe les planches de sapin de ma chambre comme si elle y suivait encore la vibration de mon tutoiement.

Je ne sais plus ce qu’il faut faire ou dire. Je ne sais plus ! Nos mains s’étreignent, cependant. Je lui offre ma chaise. Je lui offrirais aussi bien du papier à lettre, de quoi écrire.

Elle murmure :

— « Nous sommes coupables ! »

À qui le dit-elle ? Je veux faire de l’esprit :

— « Ne le serons-nous jamais davantage ? »

Voilà encore un mot qui lui déplaît. Elle va me dire : « Restons-en là », et partir.

Mais, elle non plus, elle ne sait pas où nous en sommes. Elle lève sur moi ses bons grands yeux qui se brouillent, et s’efforce de me regarder.

Je préfère cela. Qu’elle pleure ! Pleurons tous les deux, elle assise à ma table, moi tantôt me promenant, tantôt accoudé dans l’ovale de l’œil-de-bœuf. Nous nous oublions l’un l’autre. Il y a peut-être dans cette chambre étroite une jolie