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danger avec lequel on joue, sans gros risque.

Il n’est guère défiant. Sa présence me gêne moins qu’un souvenir. Je le craindrais davantage s’il était mort.

Quelquefois je m’efforce, par amusement, de faire naître en moi contre lui une jalousie factice. J’ai beau me le représenter dans le même lit que sa femme, il ne me fait pas l’effet de coucher avec elle. Dupe encore d’un mirage, je ne vois pas Monsieur Vernet, mais le mari de mes lectures. Je me l’imagine en bonnet de coton, la bouche ouverte. Il s’endort tout de suite, et ne se réveille que pour sauter sur la descente de lit. Lui et sa femme se trouvent côte à côte par hasard. Ils ne se touchent pas. Il y a entre eux de la place pour un. Elle ne le voit que de dos et peut laisser trembler ses deux seins à l’air, sans péril.

Ainsi je m’arrange un mari commode, selon mes besoins.

Et ma jalousie ne veut pas venir.