Page:Renard - L’Écornifleur, Ollendorff, 1892.djvu/137

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— « Montrez que vous êtes une femme d’esprit »,

pour en obtenir une bêtise ?

En suis-je à une humiliation près ? Quand une femme vous donne un soufflet, on attrape son bras au vol, et on le tord jusqu’à ce qu’elle reconnaisse qu’elle voulait caresser.

Ainsi je faisais le compte de mes chances de disgrâce, rouvrant ma malle pour la refermer, oubliant cette fois une chemise, et cette autre, un compartiment entier. Je préparais ma réponse à cette question :

— « Qu’est-ce que vous avez remué toute la nuit ? »

— « J’ai fait ma malle ! »

Je laisserais tomber ce magique « J’ai fait ma malle » sans chercher à produire un effet, sans tristesse d’apparat.

Pouvais-je prévoir que Madame Vernet trouverait un mot d’esprit et de cœur, un mot fondant dont la saveur se répandrait presque matériellement en moi, et que je goûterais comme un communiant ? Pouvais-je espérer qu’elle me dirait, innocente et subtile :

— « Restez pour mon mari ! »