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les signes d’assentiment, les « vrai, on peut dire que vous en avez, vous, du talent ! » Je regrette les prédictions qui mettaient l’avenir à mes pieds, comme un tapis.

Je fais ma malle, je place, déplace mes trois paires de chaussettes. Un caleçon en mains que je ne me décide pas à caser, je souris à mes souvenirs. Je traîne de temps en temps ma malle sur le plancher, afin que Madame Vernet devine mon projet de départ, et, au moyen d’un cri d’angoisse, s’y oppose.

Je la ferme avec bruit, m’assieds sur le couvercle et regarde les filets qui pendent aux murs, les lignes roulées sur leurs cadres de bois, les lampions qui servent à tous les quatorze-juillet, les drapeaux chiffonnés qu’on a jetés dans un coin comme après une bataille pour rire. C’est bien de ma faute si ce qui arrive arrive. Je paie ma butorderie. Je partirai, mais des lâchetés attendent ma résolution au passage. Madame Vernet ne m’a pas formellement donné congé. Je peux lui tendre la main, « sans avoir l’air de rien ». Elle oublierait certaines injures et ne se rappellerait que les plus flatteuses. Si elle hésitait, je lui dirais :