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et elle me dirait : « Allez ! mais allez donc ! » avec un bon sourire.

MADAME VERNET

Mon pauvre enfant ! croyez-en une femme qui a presque le double de votre âge : votre cœur vous jouera de vilains tours !

Et, avec brusquerie, elle m’a embrassé sur la joue, en sœur.

Mon émotion me venait de mes paroles.

Étreignant les poignets de Madame Vernet :

— « Aime-moi, Blanche, lui criai-je ; je t’en supplie, aime-moi ! »

Elle se leva droite, cambrée, et, seulement de la tête, me fit signe que non. La blancheur de son cou tentait mes dents. Ses yeux troublés s’avançaient sur moi comme des yeux morts photographiés. Je lui soufflais encore, mes doigts griffant ses épaules :

— « Aime-moi ! dis, aime-moi ! »

Mais elle me parut une ennemie en garde, impénétrable. L’attraction de mon âme ne déterminait pas la sienne. Dressé sur la pointe des pieds, le corps détendu, pareil à un animal qu’on