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m’intéresse et m’émeut quand il dit des vers. C’est une anthologie : on n’a qu’à l’ouvrir. Nous allons faire ensemble de l’amour spirituel. Il sera mon troubadour. Quand je le ferai chanter, il me semblera qu’on me caresse l’oreille avec le dos d’un chat. S’il veut me toucher, je crierai : « À bas les pattes ! poète ! » Dieu merci, mes sens ne me tourmentent plus. Je trouve même qu’on accorde trop d’importance à la chose, oui, à la petite convulsion physique. Ce qu’il faut remplir, c’est mon cœur. Heureuse femme, je m’installerai à l’aise pour un long spectacle, et, les narines ouvertes, j’attendrai le nuage d’encens. Je dirai : « Allume les brûle-parfums. L’heure est venue de flairer quelque arôme ! » Je me compromettrai un peu, et les bonnes amies siffleront :

— « Elle a son poète de poche, qu’elle garde pour elle, au chaud, dans ses jupes. »

« Mais quand on est très honnête, on peut s’offrir des douceurs et récompenser sa vertu. Est-ce que je trompe mon mari, oui ou non ? Toute la question est là. D’ailleurs, vous voulez rire, à mon âge ? »