Page:Renard - L’Écornifleur, Ollendorff, 1892.djvu/115

Cette page a été validée par deux contributeurs.

XXIV

LE BOBO

De ma fièvre il me reste au bord de la lèvre inférieure une petite tumeur arrondie et dure. Je passerai le jour à la mordiller, à l’écorcher, à la rendre hideuse comme une punaise écrasée. Je ne lève plus les yeux sur Madame Vernet, et je lui parle avec un contournement de cou qui me fait mal ; ou, rabattant ma lèvre et mes dents du haut sur le bouton, je l’enferme et le tiens opiniâtrement caché. Mon palais en goûte l’aigreur. Pour varier, je tâche de disparaître derrière ma main en éventail. Je louche et je compte mes doigts.

À table, c’est un supplice. Je mange vite, le nez dans mon assiette, les morceaux pressés, et