Parlons d’autre chose, voulez-vous ?
Oh ! Racontez, Robert, je vous en prie ! Racontez, pour que je croie à l’hypnotisme. Je voudrais y croire ! Cela doit être passionnant !
C’est plus que passionnant, c’est angoissant. Ceux qu’on endort battent des paupières si éperdues, leur visage se dépouille d’expression… si totalement… que cela m’a toujours fait frémir. Cette emprise d’une volonté sur une autre, il me semble que c’est une sorte d’assassinat…
Et pourtant, cet assassinat, il vous arrive de le commettre !
Je l’avoue. Oui, je provoque l’hypnose, souvent, pour des expériences, parce que l’hypnotisme, mieux connu, peut rendre d’immenses services… Et puis, voyez-vous, rien que pour l’amour de la vérité, il faut qu’on sache, un jour, ce que c’est, au juste, que l’état magnétique ; quelle force s’y développe, fluide ou vibrations, et quelles conséquences peuvent en résulter… Car, un soir, figurez-vous…
Un soir ?… Allons, racontez, racontez…
À quoi bon vous effrayer ? Je voulais dire, simplement, que l’hypnotisme est une arme terrible et singulière.
On l’utilise pourtant en médecine ?
Comme certains poisons, comme les décharges électriques. Mais c’est un venin qu’il faut doser au millième de milligramme ; c’est un courant dont le voltage doit être soigneusement surveillé…
Oh ! que c’est énervant ! Vous savez mille choses, je le sens, et vous ne voulez rien dire !
… Oui, l’électricité, cela ressemble beaucoup à l’hypnotisme. On s’en sert, et on ne sait pas ce que c’est. Mais peu à peu, à force de travail, d’observations, — grâce au hasard aussi, — on découvre à l’étincelle, aux courants, des énergies stupéfiantes et une… une portée incalculable…
Oh ! je voudrais assister à des expériences d’hypnotisme ! II existe des sociétés, n’est-ce pas, qui organisent des séances ? Comment cela se passe-t-il ?
Décidément, vous voudriez que je vous fasse un peu peur, pour rire ? Eh bien, non ; il ne faut pas rire de ces mystères-là. Quand vous serez revenue, nous en causerons sérieusement. Aujourd’hui, je vous le demande en grâce, parlons d’autre chose.
Soit ! Comme vous voudrez ; parlons d’autre chose. Seulement, en représailles, je garde la photographie !
Simone !
Il n’y a pas de Simone qui tienne ! Je la remets dans son tiroir. Tant pis pour vous. Vous n’aviez qu’à être plus franc avec moi.
Allons donc ! Est-ce qu’un homme peut être franc avec une femme !
Mais pourquoi pas ?
N’est-il pas poussé au mensonge par les nécessités de la vie quotidienne ? Vous imaginez-vous ce que seraient les rapports des hommes et des femmes entre eux, si le mensonge n’était pas à la base de leurs gestes, de leurs paroles, de leurs pensées ?
Mais oui ; j’imagine très bien le monde débarrassé du mensonge.
Vous plaisantez ! Sans le mensonge social, indispensable, où serions-nous en ce moment, vous et moi ?
Que voulez-vous dire ?
Rien… Au revoir, Simone.
Quoi ! Vous partez ?