L’AMANT DE LA MORTE
ACTE PREMIER
Le boudoir de Simone Darvières. Les lampes sont allumées. Simone sert le thé à Ginette et à Maud, qui sont en visite.
Scène 1
Par instants : LOUIS, le valet de chambre
À propos, Simone, tu seras libre de samedi en huit ?
De samedi en huit ?
Oui. J’aurai, ce jour-là, mon modèle espagnol.
Ah ?
Vous ne vous imaginez pas ce que ce garçon est beau ! Je l’avais rencontré à Cadix, pendant notre voyage, l’an dernier. Il vendait des pastèques, à la porte d’une bodega. Il est venu à Paris chercher fortune. Je lui ai demandé de venir poser chez moi. J’ai commencé par faire des études de son profil, et puis…
Et puis ?…
Et puis il a bien voulu poser l’ensemble. Ah ! quelle merveille, mes petites ! Apollon ! Apollon brun. Et une science instinctive des attitudes !
Vous nous mettez l’eau à la bouche !
C’est une force de la nature ! Il vit nu comme un beau fruit, comme un galet sur la plage.
Ma pauvre Ginette, comme tu t’emballes !
Oh ! toi, tu es incapable de goûter les merveilles de l’art moderne. Tu restes sous l’influence de ton mari, qui n’a jamais pu, de son côté, oublier les leçons des Beaux-Arts. Un peintre officiel ! Guillaume Darvières ne sera jamais qu’un peintre officiel.
Dites tout de suite que c’est un pompier !
Je veux dire que son talent académique…
Évidemment, toi et lui, ce ne sont pas les mêmes académies qui vous intéressent.
Enfin, je compte sur toi, ― sur vous deux, si le maître consent à t’accompagner.
Hélas ! ma petite Ginette, je regrette infiniment, mais, de samedi en huit, je ne serai pas à Paris.
Vous partez ?