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LA CAGE SANS OISEAUX

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Félix ne comprend pas qu’on tienne des oiseaux prisonniers dans une cage.

— De même, dit-il, que c’est un crime de cueillir une fleur, et, personnellement, je ne veux la respirer que sur sa tige, de même les oiseaux sont faits pour voler.

Cependant il achète une cage ; il l’accroche à sa fenêtre. Il y dépose un nid d’ouate, une soucoupe de graines, une tasse d’eau pure et renouvelable. Il y suspend une balançoire et une petite glace.

Et comme on l’interroge avec surprise :

— Je me félicite de ma générosité, dit-il, chaque fois que je regarde cette cage. Je pourrais y mettre un oiseau et je la laisse vide. Si je voulais, telle grive brune, tel bouvreuil pimpant, qui sautille, ou tel autre de nos petits oiseaux variés serait esclave. Mais grâce à moi, l’un d’eux au moins reste libre. C’est toujours ça.


LE SERIN

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Quelle idée ai-je eue d’acheter cet oiseau ?

L’oiselier me dit : « C’est un mâle. Attendez une semaine qu’il s’habitue, et il chantera. »

Or, l’oiseau s’obstine à se taire et il fait tout de travers.

Dès que je remplis son gobelet de graines, il les pille du bec et les jette aux quatre vents.

J’attache, avec une ficelle, un biscuit entre deux barreaux. Il ne mange que la ficelle. Il repousse et frappe, comme d’un marteau, le biscuit et le biscuit tombe.

Il se baigne dans son eau pure et il boit dans sa baignoire. Il crotte au petit bonheur dans les deux.

Il s’imagine que l’échaudé est une pâte toute prête où les oiseaux de son espèce se creusent des nids et il s’y blottit d’instinct.

Il n’a pas encore compris l’utilité des