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L’OIE

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Tiennette voudrait aller à Paris, comme les autres filles du village. Mais est-elle seulement capable de garder ses oies ?

À vrai dire, elle les suit plutôt qu’elle ne les mène. Elle tricote, machinale, derrière leur troupe, et elle s’en rapporte à l’oie de Toulouse qui a la raison d’une grande personne.

L’oie de Toulouse connaît le chemin, les bonnes herbes, et l’heure où il faut rentrer.

Si brave que le jars l’est moins, elle protège ses sœurs contre le mauvais chien. Son col vibre et serpente à ras de terre, puis se redresse, et elle domine Tiennette effarée. Dès que tout va bien, elle triomphe et chante du nez qu’elle sait grâce à qui l’ordre règne.

Elle ne doute pas qu’elle ferait mieux encore.

Et, un soir, elle quitte le pays. Elle s’éloigne sur la route, bec au vent, plumes collées. Des femmes, qu’elle croise, n’osent l’arrêter. Elle marche vite à faire peur.

Et pendant que Tiennette, restée là-bas, finit de s’abêtir, et, toute pareille aux oies, ne s’en distingue plus, l’oie de Toulouse vient à Paris.