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tokutaro et murasaki

blait un chanteur ambulant, et rien ne pouvait trahir le docte gentilhomme qui avait appris toutes les écritures et savait la noble place où doit s’enfoncer, d’un coup, le poignard du hara-kiri.

Le daïmio de sa province ayant décrété le mariage de sa propre nièce, Yada-Sin, et de Tokutaro, lui, avait prétendu n’épouser que selon son cœur. Or, comment éprouver l’agrément d’une telle fiancée, puisque, suivant le rite princier, la première entrevue devait se passer au matin des noces ?

Et Tokutaro, banni de son domaine pour quatre lunes, s’était mis à voyager à sa convenance.

Et ce printemps-là était le vingtième de sa vie.

Vers la mer où le soleil se lève il allait, sans trop savoir pourquoi. Probablement, Yada-Sin le repoussait ; la fuir, voilà l’essentiel, et s’il s’en éloignait de ce côté, la cause en était le Fusi-Yama, la Montagne Sainte, qu’il désirait voir de près, en curieux.

Telle était sa croyance.

Mais non, ce n’était pas d’une petite fille qu’il s’écartait ; non, l’attraction de la Montagne n’influait pas sur lui : Tokutaro, poussé et tiré par les mille volontés du hasard, s’en allait tout droit, comme un aveugle, au jardin fleuri de Murasaki.

L’équipée le réjouissait. Et pourtant, elle eût