Page:Renard - Fantômes et fantoches, 1905.djvu/98

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
82
fantômes et fantoches

n’est plus bavard qu’un écran tapoté pendant que l’on se chauffe, aux panses des vases les enluminures jacassent éperdument, et les nattes ont des finesses veloutées comme des chansons d’amour à voix basse que les doigts sauraient palper.

Une ancienne broderie de Yeddo m’a été offerte ; avec son arôme de santal j’ai cru respirer cette histoire :

i


Le chevalier Tokutaro voyageait.

Maître de biens excessifs depuis la mort de ses parents, il aurait pu s’avancer au balancement rhythmé d’un palanquin, escorté d’écuyers, et précédé par l’avertisseur emphatique de son nom et de ses titres. D’après les lois de chevalerie, il avait le droit de croiser dans sa ceinture les deux sabres dont ses pairs, les samuraïs, se montraient si orgueilleux.

Mais Tokutaro cheminait tout seul et sans armes.

Son shamisen — sa petite guitare au long manche — passé sur une robe populaire, il sem-