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le lapidaire

damas et les velours gonflés des robes se mirent à osciller, d’un large balancement, au branle des vagues ; l’activité des petites Génoises avait adopté leur mesure. D’abord cela fut inconscient, puis, elles s’en aperçurent et, d’un commun accord, les nobles demoiselles, avec des mines espiègles, se levant sur un pas de danse, glissèrent un ballet grave et lent comme la marche des flots.

Elles s’étaient disposées sur plusieurs rangées qui se suivaient à l’allure de la pavane, et, à chaque grondement de la lame et du ressac, la première ligne plongeait dans une double révérence, puis, en reculant, traversait les autres et allait se placer derrière elles ; la seconde, restée en tête, l’imitait à la suivante lame, et toutes ces vierges, imitant les vagues, s’avançaient et rétrogradaient avec tant de gestes jolis et de fières attitudes que c’était miracle de les voir évoluer, si frêles et souriantes, à la cadence de la mer et sur la musique de l’ouragan.

Un piétinement sourd de chevaux sur le bois du pont-levis, accompagné de l’appel strident des trompettes, coupa court à ce divertissement impromptu ; puis, devant la compagnie debout et muette, la Seigneurie fit son entrée et couvrit de soies importantes et d’hermines hautaines les trônes de l’estrade. Les magistrats, pourtant, ne