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fantômes et fantoches

Les arrivées s’espacèrent et prirent fin.

Angela Calderini ne se montrait pas.

Les hommes cessèrent bientôt de converser, car les propos volages s’épuisent vite, et tous ces ennemis, réconciliés d’hier, n’abordaient point de sujet sérieux sans se trouver en désaccord et conclure à coups d’épée. Ils se turent donc et se mirent à considérer les grandes fresques frissonnant à la lumière des flambeaux, les croisées à présent ténébreuses ; et ceux du centre eurent la bonne fortune de pouvoir examiner de près une clepsydre fort bien combinée où un Amour d’ivoire marquait de sa baguette les heures gravées sur une tourelle argentée : il indiquait la demie de sept heures.

La Seigneurie ne devait entrer que plus tard et le silence gagna les dames, mal à l’aise en leurs ajustements rigides. Cette gêne immobilisait les vieilles dans une crampe résignée, mais les jeunes luttaient contre l’étreinte du costume par mille petits mouvements de tout le corps, et le lac miroitant du parquet reflétait dans son grand carré ce rivage ondoyant.

Au sein du calme croissant, la mer houleuse se fit entendre, et comme les derniers rires s’étouffaient, on distingua son bruit souverain battant la plage des jardins. Alors, tout doucement, les