Page:Renard - Fantômes et fantoches, 1905.djvu/88

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
72
fantômes et fantoches

Un côté de la chambre restait vide, On y voyait, sur des degrés, des trônes pour les grands dignitaires de la Seigneurie, un pour le doge ayant sous lui trois sièges pour les Censeurs, huit à sa droite pour les Conseillers, et huit à sa gauche pour les Procurateurs de la Commune ; plus bas, cent tabourets à l’usage du Sénat. Quant au Grand Conseil, ses quatre cents membres étaient disséminés parmi les invités.

Les grands dignitaires devaient arriver les derniers afin que l’assemblée fût complète pour les accueillir, et Doria, jaloux de ses honneurs, s’était réservé le droit d’entrer solennellement après le doge lui-même.

Les majordomes continuaient d’introduire les invités. Couple par couple, les arrivants se succédaient, la main des femmes au poing fermé des cavaliers, au poing levé comme pour lancer le gerfaut, puis, après une révérence, chacun gagnait sa banquette ou son fauteuil ; et c’était, devant les trônes solitaires, au long des trois murailles, une ligne épaisse de gentilshommes superbement harnachés, et, devant eux, les femmes, qui faisaient comme un rivage chatoyant au lac du parquet marqueté. Les jeunes filles étaient assises au premier rang. Elles jasaient avec ardeur, rieuses et agitées, secouant à leurs joues les papillottes de