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fantômes et fantoches

four, faisant des haltes plus répétées à mesure qu’elle approchait du but, laissait derrière elle une ville morte, hantée seulement des malades ou des casaniers, un grand perron désert, une tour de Babel après l’abandon.

Les retardataires pourtant ne manquaient point, car sous le poids des atours inaccoutumés, bien des jeunes filles dont le logis avoisinait la rive du Bisagno, trouvaient longue la traversée de la Ville entière, le palais Doria s’élevant non loin du phare, hors des remparts.

Seule la porte San Tomasso y donnait accès directement, et son pont-levis, descendu sur les fossés de fortification, reliait l’entrée de la Ville à celle du palais. Celui-ci était lui-même environné de murailles crénelées, mais un parc touffu l’entourait d’une enceinte moins sévère, et ses pelouses plongeaient doucement dans la mer. C’était une forteresse monumentale, mais sa vue n’avait rien de morose parce qu’elle était toute neuve encore et parce que la fête bourdonnait ce soir-là dans Fassuolo et l’illuminait déjà comme un autel de cathédrale le jour de Pâques.

Autour de la porte San Tomasso, à l’intérieur de la Ville, l’affluence augmentait. Les rues convergentes venaient déverser leur foule à cette issue, et les invités de l’amiral ne franchissaient