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le lapidaire

couchant, les barques prudentes des pêcheurs rentraient au port en dansant.

La mer véhémente grondait sa fureur incompréhensible, et les maisons vides regardaient de toutes leurs fenêtres l’immensité rageuse.

Par exception, l’état des flots n’intéressait pas les Génois, fort occupés à se considérer les uns les autres et à s’émerveiller sur le prochain, ce qui est en somme le grand attrait des réjouissances publiques. Le peuple admirait la noblesse et la bourgeoisie qui s’admiraient entre elles.

Conviés à la fête d’Andrea Doria, seigneurs et notables s’y rendaient, à pied, en litière, à cheval, et même, quelques-uns, au fond de carrosses énormes qui cheminaient lentement avec un bruit de tonnerre, cahotés sur les pavés hostiles. Mais la plupart marchaient, les uns seuls, aidant aux ruisseaux de boue torrentueuse leurs épouses retroussées, tandis que d’autres, au contraire, processionnaient au milieu d’une véritable armée de serviteurs, de soldats et d’amis portant, en prévision du retour et des embûches nocturnes, torches et hallebardes.

La populace extasiée devant ce déploiement de hardes luxueuses, suivait, dépassait, précédait les plus brillantes escortes, s’arrêtait pour les revoir défiler, et cette foule, plus serrée à chaque carre-