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le lapidaire

Peu d’instants après, Angela triomphante étalait devant le comte Pisco les dix joyaux :

— Vite, Pietro, lui dit-elle, porte ceci à l’orfèvre Spirocelli ; le diadème est terminé, il ne reste plus qu’à sertir les rubis au milieu des fleurons. Tu attendras que la besogne soit totalement achevée pour m’apporter toi-même le bijou. Pendant que Spirocelli travaillera, tu lui raconteras que j’ai acheté les pierres un million d’écus et qu’elles sont payées. Puis, comme il serait dommage de laisser échapper cette fortune que nous tenons, ce soir, écoute bien, Pietro, ce soir, au moment où le peuple de Gênes tout entier entourera le palais de Doria pour admirer les arrivants et écouter les premiers bruits de la fête, à huit heures, quand l’exact Hermann Lebenstein, dédaigneux de ce spectacle, se rendra près de sa fille par les ruelles désertes, tu le tueras, et tu déroberas sa montre d’argent pour simuler un guet-apens de voleurs. Ainsi le vieux lapidaire n’aura pas eu le temps d’annoncer aux Spirocelli le prêt des rubis ; ils croiront que je les ai honnêtement acquis, et ne pourront pas, en ouvrant les coffres d’Hermann, pleins de monnaies innombrables, reconnaître que le prix des pierres ne s’y trouve pas.

— Bien, dit simplement Pisco sans que son visage de petite fille vicieuse eût marqué de l’émo-